Qui dit élections d’un CSE, dit campagne électorale

élection d'un cse / campagne electorale

Qui dit élections d’un CSE, dit campagne électorale

Comme en matière d’élections politiques, les candidats aux élections du CSE ont le droit de faire connaître aux électeurs leurs idées et leur programme. Le code du travail ne contient aucune disposition en ce domaine. Cela ne signifie pas que tout est permis. Il y a cependant un certain nombre de principes à respecter.

La période pendant laquelle il est possible de faire campagne pour l’élection du comité social et économique


En matière d’élections politiques, le code électoral interdit la distribution de bulletins, circulaires et autres documents le jour du scrutin. Rien de tel pour les élections de CSE. Aussi, la campagne peut-elle, en théorie, se poursuivre jusqu’au jour du scrutin. En pratique, une diffusion tardive à quelques jours du scrutin, voire le jour même, peut entraîner l’annulation des élections s’il s’avère que celle-ci a eu une influence déterminante sur les résultats du scrutin (Cass. soc., 20 juin 2000, no 99-60.153 ; Cass. soc., 30 janv. 2008, no 07-60.077). Il a par exemple été jugé que :
la diffusion la veille et le matin même du scrutin d’un tract anonyme invitant vivement à l’abstention au premier tour pour permettre un second tour avec candidatures libres est de nature à influencer les résultats du scrutin (Cass. soc., 16 avr. 1986, no 85-60.552) ;
la distribution la veille du scrutin d’un tract mettant en cause une organisation syndicale concurrente a faussé le résultat de l’élection, eu égard à la proportion des suffrages obtenus par chacune des listes en présence (Cass.soc., 18 févr. 1988, no 87-60.027).

Au regard de la liberté syndicale, il ne peut être reproché à un syndicat d’avoir communiqué auprès des salariés à des fins électorales avant la date de début de campagne électorale fixée par le protocole préélectoral (Cass. soc., 15 nov. 2017, n° 16-24.798).

A l’inverse, il a été jugé que :
la diffusion, quelques jours avant le scrutin, d’un tract ne contenant aucune assertion diffamatoire à l’égard des autres organisations syndicales ne peut entraîner l’annulation des élections dès lors que cette diffusion n’a eu aucune influence sur les résultats du scrutin (Cass. soc., 20 nov. 2002, no 01-60.903) ;
la diffusion d’un tract le jour du premier tour de scrutin ne peut entraîner l’annulation des élections dès lors que son contenu n’excédait pas les limites normales de la propagande électorale et n’était pas de nature à porter atteinte à la libre détermination des électeurs (Cass. soc., 13 déc. 1988, no 88-60.158) ;
la diffusion, le jour des élections, d’un tract appelant les électeurs à voter pour les candidats d’un syndicat ne saurait entraîner l’annulation des élections dès lors que ce tract ne contenait aucune mise en cause des organisations concurrentes ou des candidats des listes adverses (Cass. soc., 5 déc. 1984, no 84-60.516).

La propagande électorale peut se faire par affichage, réunions d’information, tracts, envoi de mail, etc.


Dans les entreprises où il existe des sections syndicales, celles-ci utiliseront les moyens mis à leur disposition par la loi (C. trav., art. L. 2142-3 et s.) (affichage sur les panneaux syndicaux, distribution de tracts, réunion mensuelle de la section syndicale) ou par un accord interne sur le droit syndical. A ce titre, le bénéfice d’un tel accord ne peut pas être réservé aux syndicats représentatifs (Cass. soc., 21 sept. 2011, no 10-19.017). Le protocole préélectoral peut prévoir d’autres moyens de propagande en autorisant, par exemple, la diffusion de tracts électroniques ou l’utilisation de l’intranet de l’entreprise.

Dans les entreprises dépourvues de sections syndicales, ou lorsqu’il s’agit de candidatures libres au second tour, les modalités de propagande devront être aménagées par le protocole préélectoral.

Un accord d’entreprise peut définir les conditions et les modalités de diffusion des informations syndicales au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise. A défaut d’accord, les organisations syndicales présentes dans l’entreprise et satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans peuvent mettre à disposition des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise, lorsqu’il existe (C. trav., art. L. 2142-6).

Attention, l’utilisation par les organisations syndicales des outils numériques mis à leur disposition doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement et de sécurité du réseau informatique de l’entreprise, ne pas avoir des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise et préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message. 

Même si c’est lui qui organise les élections, l’employeur doit rester neutre au cours de la campagne électorale


Cette obligation de neutralité signifie :
d’une part, que l’employeur ne peut utiliser aucun moyen de pression en faveur ou à l’encontre d’une organisation syndicale quelconque (C. trav., art. L. 2141-7) ;
d’autre part, que l’employeur ne peut favoriser, même indirectement, les candidats libres, c’est-à-dire les candidats qui ne sont pas présentés par des syndicats.

Sur le plan pénal, un manquement à l’obligation de neutralité peut constituer un délit d’entrave. Le fait de chercher à réduire l’influence d’un syndicat peut par ailleurs constituer une discrimination syndicale (Cass. crim., 2 sept. 2008, no 07-81.661). Dans cette affaire, l’employeur avait eu recours aux services d’un cabinet d’audit et de conseil pour, soi-disant, normaliser les relations avec les élus du personnel, alors qu’il s’agissait en réalité de réduire l’influence d’un syndicat au profit d’un autre

L’obligation de neutralité constitue un principe général du droit électoral. Sa violation justifie, à elle seule, l’annulation des élections. Pas besoin de prouver que l’attitude de l’employeur a faussé les résultats (Cass. soc., 27 mai 2020, n° 19-15.105 ; Cass. soc., 18 mai 2022, n° 20-21.529). En revanche, il faut quand même prouver que l’employeur n’a pas respecté son obligation de neutralité. A ce titre, il revient au syndicat qui se plaint d’un manquement de neutralité de la part de l’employeur d’en apporter la preuve (Cass. soc., 18 mai 2022, n° 20-21.529).
Quelques exemples de violation de l’obligation de neutralité :
employeur critiquant des représentants du personnel appartenant à l’un des syndicats ayant déposé une liste de candidats aux élections (Cass. soc., 9 nov. 2016, n° 15-28.461) ;
employeur qui ne permet pas un égal accès aux moyens de propagande électorale entre les organisations syndicales (Cass. soc., 27 mai 2020, n° 19-15.105) ;
diffusion par l’employeur, avant le premier tour, d’un tract de propagande électorale pour le second tour au profit d’éventuels candidats libres (Cass. soc., 14 janv. 2004, no 01-60.788) ;
diffusion par l’employeur, la veille du scrutin, de documents assimilables à des tracts s’élevant contre les déclarations faites par un syndicat (Cass. soc., 14 mai 1997, no 96-60.134) ;
diffusion par l’employeur d’un document faisant état d’éventuelles malversations dans la gestion du comité par la majorité syndicale sortante (Cass. soc., 31 mai 2011, no 10-60.228)

Un manquement à l’obligation de neutralité a été admis à propos d’un employeur ayant permis la diffusion, la veille et le jour des élections, d’un tract anonyme mettant gravement en cause les élus d’un syndicat et appelant à ne pas voter au premier tour (Cass. soc., 7 nov. 2012, n° 11-60.184).

A l’inverse, il a été jugé que :
le refus de retirer une affiche, apposée par des salariés, invitant à voter blanc au premier tour des élections ne constitue pas un manquement à l’obligation de neutralité, l’employeur n’ayant pas pris parti pour ou contre la liste syndicale se présentant au premier tour (Cass. soc., 16 mai 1974, no 74-60.025) ;
la distribution de tracts expliquant le déroulement des élections et indiquant que seuls des candidats libres pourraient se présenter au second tour ne porte pas atteinte à la liberté du vote, dès lors que ces tracts ne contenaient ni menaces, ni pressions de la part de l’employeur (Cass. soc., 16 févr. 1977, n° 76-60.193) ;
la diffusion, la veille de l’élection du CSE, d’une note destinée à informer le personnel de la conclusion d’un accord collectif et de son contenu ne caractérise aucun manquement à l’obligation de neutralité (Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-26.188).

Sous peine de manquer à son obligation de neutralité, l’employeur doit également respecter le principe d’égalité entre les syndicats. Les moyens qu’il donne à l’un pour faire campagne, il doit les donner à l’autre (Cass. soc., 12 juill. 2016, n° 15-20.618). Dans cette affaire, l’employeur n’avait pas informé tous les syndicats soutenant un candidat de la possibilité de diffuser un tract en plus des professions de foi. A l’inverse, dès lors que l’accès à d’éventuelles vidéos de propagande électorale durant les heures de travail a été offert à l’ensemble des syndicats, aucun manque de neutralité ne peut être reproché à
l’employeur (Cass. soc., 27 janv. 2021, n° 19-25.227). Mais attention, ce principe d’égalité de traitement s’applique uniquement dans le périmètre de l’élection, donc au sein de chaque établissement distinct en cas d’élection de CSE d’établissement (Cass. soc., 20 sept. 2018, n° 17-60.306)

OBSERVATIONS

Avant le premier tour, seuls les syndicats peuvent faire campagne

Il ne faut pas oublier que le premier tour des élections professionnelles est réservé aux syndicats. Corollaire de ce monopole : la propagande électorale antérieure au premier tour est en conséquence réservée aux syndicats. C’est donc seulement après le premier tour des élections que les candidats libres pourront, si un second tour est organisé, faire de la propagande électorale (Cass. soc., 14 janv. 2004, no 01-60.788).

En partenariat avec Lefebvre Dalloz :

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