Ses heures de délégation, qu’a-t-on le droit d’en faire ?

les heures de délégations

Ses heures de délégation, qu’a-t-on le droit d’en faire ?

Il va de soi que les heures de délégation doivent être utilisées pour des missions entrant dans les compétences du comité social et économique. Reste à savoir ce que le représentant du personnel a le droit de faire de ses heures et ce que l’employeur a le droit d’imputer sur le crédit d’heures. En pratique, il y a de quoi faire pour les membres du CSE.

Les heures de délégation doivent être utilisées pour des missions entrant dans les compétences du CSE


Ça tombe sous le sens, les heures de délégation doivent être utilisées conformément à l’objet du mandat dont est investi chaque membre du CSE. Ainsi, le représentant du personnel va pouvoir en faire usage :
pour collecter auprès des salariés les réclamations à faire remonter en réunion à la direction, rechercher des informations en droit du travail, tenir des permanences et recevoir les salariés, suivre des formations en droit du travail, se rendre à un rendez-vous avec l’inspection du travail, etc. ;
pour étudier les projets soumis à consultation du CSE, étudier les informations de la base de données économiques, sociales et environnementales, organiser et gérer les activités sociales et culturelles, se rendre à un salon CSE, rencontrer l’expert-comptable du comité, tenir des réunions préparatoires, etc. ;
pour mener les inspections ou les visites en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail, rechercher des informations en matière de santé/sécurité au travail, étudier le document unique d’évaluation des risques professionnels, étudier le bilan annuel et le programme de prévention, rencontrer le médecin, du travail, etc.

Enquête, recherche de mesures préventives, inspection, formation des élus… : l’employeur ne peut pas tout imputer sur le crédit d’heures


L’employeur ne peut pas déduire du crédit d’heures et doit rémunérer comme temps de travail effectif le temps passé (C. trav., art. L. 2315-11) :

aux enquêtes menées après un accident grave ou des incidents répétés ayant révélé un risque grave ou une maladie professionnelle ou à caractère professionnel grave ;
à la recherche par les représentants du personnel de mesures préventives dans toute situation d’urgence et de gravité, notamment lors de la mise en œuvre de la procédure d’alerte en cas de situation dangereuse.

Le temps passé aux inspections périodiques en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail doit en revanche être imputé sur le crédit d’heures (Cass. crim., 17 févr. 1998, n° 96-82.118).

Dans cette affaire, la visite de l’atelier avait été inscrite à l’ordre du jour de la réunion et avait eu lieu au cours de cette réunion. Même dans ce cas, le temps consacré à l’inspection doit donc être déduit du temps de réunion et être imputé sur les heures de délégation.

Il a aussi été jugé que la participation des membres du comité aux contrôles effectués dans l’établissement avec les sociétés chargées de la réparation et de l’entretien des bâtiments s’impute sur les heures de délégation (Cass. soc., 20 déc. 2006, n° 05-42.507). A cet égard, il importe peu que la décision de participer à ces contrôles ait été prise au cours d’une réunion.

Le temps consacré aux formations légales prévues par le code du travail au profit des membres du CSE n’est pas déduit des heures de délégation. Il est pris sur le temps de travail et est rémunéré comme tel (C. trav., art. L. 2315-16).

Quelques exemples issus de la jurisprudence de ce que l’on peut faire ou ne pas faire avec ses heures de délégation


On dit que les heures de délégation du crédit mensuel bénéficient d’une présomption de bonne utilisation. Cela signifie que l’employeur qui a un doute ne peut pas en vérifier l’usage qui en a été fait avant de les rémunérer. Il les paye et peut, s’il le souhaite, contester après. C’est ce genre de contestation qui a donné à la jurisprudence l’occasion de fournir quelques exemples d’utilisation des heures de délégation.

Les exemples cités ci-dessous viennent de jurisprudences ayant illustré au fil du temps ce que les délégués du personnel, les élus d’un CE et les membres d’un CHSCT avaient le droit de faire avec leurs heures. Aujourd’hui, les attributions d’un CSE correspondent schématiquement à celles des anciennes instances représentatives. D’où l’intérêt de conserver ces différentes jurisprudences, elles permettent de se faire une idée des limites à ne pas franchir.

Pour les élus d’un comité d’entreprise, les activités suivantes ont été jugées étrangères au CE :

activité personnelle totalement étrangère à la mission d’un membre du comité d’entreprise (CE, 15 mai 1996, n° 132350 ; Cass. soc., 27 nov. 1985, n° 84-40.255) ;
• participation d’un membre du comité en qualité de scrutateur à des élections prud’homales (Cass. soc., 21 janv. 1987, n° 83-43.483) ;
participation d’un membre du CE aux élections du conseil d’administration des caisses de sécurité sociale (Cass. crim., 10 janv. 1989, n° 87-80.048) ;
assistance d’un salarié en litige avec l’employeur devant les prud’hommes, peu important que l’élu ait assisté ce salarié à l’entretien préalable (Cass. soc., 12 mars 1987, n° 84-41.159) ;
participation à une audience du conseil de prud’hommes où se plaidait une affaire opposant un salarié à son employeur (Cass. soc., 12 mars 1987, n° 84-41.159).

L’impossibilité pour un membre du CSE d’utiliser son crédit d’heures pour participer à une réunion syndicale est loin d’être absolue lorsque l’objet de la réunion concerne un problème touchant directement l’entreprise. De plus, le rôle qu’est susceptible de jouer le comité en matière de négociation d’accords d’entreprise doit permettre à ses membres d’utiliser leur crédit d’heures pour s’informer, par exemple, sur l’état d’avancement des négociations par les syndicats de la convention collective de branche.

Pour le CHSCT, il a été jugé que le temps passé par un membre du CHSCT à son information personnelle ne peut être inclus dans les heures de délégation que si l’information se rattache directement à une difficulté particulière à son entreprise. Tel n’est pas le cas :
lorsque la réunion a pour objet de dresser avec son syndicat le bilan de l’activité de différents CHSCT et d’échanger sur ce sujet des expériences et des informations (Cass. soc., 5 oct. 1994, n° 92-40.164) ;
lorsque la réunion, organisée par une union locale, est consacrée au bilan des CHSCT et à la mise en place des élus du syndicat dans ces comités (Cass. soc., 1er avr. 1998, n° 95-45.387).
A l’inverse, il a été jugé que l’étude d’un projet de restructuration ayant des incidences sur les conditions de travail, la santé et la sécurité des salariés pouvait bien être imputée sur les heures de délégation (Cass. soc.,14 févr. 2007, n° 05-42.958).

Le membre du CHSCT fait un usage conforme à son mandat de ses heures de délégation en assistant à un procès pénal relatif à un cas de harcèlement sans ampleur dans la région, dès lors que cette présence aux audiences est susceptible de parfaire sa formation théorique en la matière et de l’aider à mieux appréhender la prévention, le repérage et le traitement des situations de souffrance au travail auxquelles il était confronté dans son entreprise (CA Amiens, 16 août 2016, n° 15/01960).

Pour les délégués du personnel, quelques jurisprudences nous donnent des exemples de ce qu’il n’était pas possible de faire avec les heures de délégation :
participation à une « exposition économique » organisée par deux syndicats (Cass. soc., 15 nov. 1988, n° 85-45.797) ou animation d’une exposition « Osez la paix » (Cass. soc., 26 sept. 1990, n° 87-45.688) ;
assistance d’un collègue de travail devant le conseil de prud’hommes dans le cadre d’un procès contre l’employeur (Cass. soc., 21 févr. 1990, n° 86-44.111) ;
• temps passé devant les prud’hommes dans le cadre d’une action en paiement d’un rappel de salaire (Cass.soc., 3 févr. 1998, n° 96-42.062).
A l’inverse, il a été jugé qu’un délégué du personnel pouvait faire usage de son crédit
d’heures pour :
mener à bien devant les prud’hommes un droit d’alerte en raison d’une discrimination dont il estimait être l’objet (Cass. soc., 26 mai 1999, n° 97-40.966) ;
assurer sa propre défense à l’occasion d’un litige devant les prud’hommes relatif à l’utilisation des heures de délégation (Cass. ass. plén., 31 oct. 1996, n° 91-44.770).

OBSERVATIONS

Les heures de délégation, on peut s’en servir pour s’informer et se former

La règle veut que le temps passé par un représentant du personnel à son information personnelle ne peut être pris sur le temps de délégation que si l’information se rattache directement à une difficulté particulière à l’entreprise. Les membres du CSE peuvent en conséquence utiliser leurs heures de délégation pour suivre des formations se rapportant aux différents domaines de compétence du comité social et économique. Les thèmes sur lesquels les membres du CSE peuvent souhaiter se former, ce n’est vraiment pas ce qui manque. Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, épargne salariale, lecture des documents économiques et financiers de  l’entreprise, prévoyance complémentaire, droit du licenciement économique, nouvelle réforme du droit du travail, prévention des risques psychosociaux, technique de l’arbre des causes, etc.

En partenariat avec Lefebvre Dalloz :

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