Le mot discrimination vient du latin discriminis, qui signifie « séparation ». Au sens courant, la discrimination est le fait de traiter de manière inégale et défavorable un ou plusieurs individus. De manière plus précise, il s’agit de distinguer un groupe social des autres en fonction de caractères extrinsèques (fortune, éducation, lieu d’habitation, etc.) ou intrinsèques (sexe, origine ethnique, etc.) afin de pouvoir lui appliquer un traitement spécifique, en général négatif.
La discrimination est formellement interdite par la loi française et les conventions internationales approuvées par la France. A ce jour, 24 critères de discrimination (« critères prohibés ») sont fixés par la loi.
Que dit la loi ?
Depuis le 29 janvier 2017, les entreprises de plus de 50 salariés doivent former au moins une fois tous les cinq ans, les recruteurs à la non-discrimination à l’embauche.
L’article 1132-1 du code du travail dit que « Constitue une discrimination : en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.»
Depuis le 18 novembre 2016, la loi de modernisation de la justice a enrichi l’article 225-1 d’un nouveau critère de discrimination, « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français », répondant ainsi à la demande de mise en conformité de la loi française avec les textes européens.
Le français serait-il un discriminant social ?
D’après le rapport sur la langue française dans le monde de 2014 (publié tous les 4 ans) par l’Observatoire de la langue française, nous serions au nombre de 274 millions de locuteurs répartis sur cinq continents à utiliser le français. La deuxième langue la plus apprise dans le monde, et la troisième la plus représentée dans le secteur économique. Parler français, c’est adhérer à une communauté, avec un passé, une histoire et des valeurs.
Alors pourquoi ce nouveau critère de discrimination ?
Sans vouloir heureusement, remettre en cause la loi de 1992 « La langue de la République est le français », ce nouveau critère aurait pour but de réduire les inégalités en termes de logements, d’accès à certains lieux, de santé etc… Pour les entreprises, la loi prévoit un aménagement « lorsqu’un tel motif constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée ». Il reste à voir comment cette loi sera comprise par les tribunaux et quelle jurisprudence sera donnée.
Quelles sont les actions de lutte contre la discrimination en entreprises ?
Le groupe de dialogue interministériel sur la lutte contre les discriminations en entreprise a établi un premier rapport en mai 2015, qui comportait 18 propositions d’actions concrètes, telles qu’une campagne de sensibilisation « les compétences d’abord » à destination du grand public et des entreprises, la publication d’un rapport sur le coût économique des discriminations par France Stratégie ou encore la réalisation de « testing » dans des entreprises privées et dans la fonction publique.
L’étude, menée par France stratégie sur le coût économique de la discrimination montre que :
- Sur la période 2009-2014, les Français originaires du continent africain présentent un taux de chômage en moyenne supérieur de 7 points et une probabilité d’accès au CDI à temps plein inférieure de 15 points à ceux des hommes sans ascendance migratoire. Les salaires des femmes sont, quelle que soit leur ascendance migratoire, inférieurs de 12 % environ à ceux des hommes sans ascendance migratoire.
- Sur la période allant de 1990 à 2014, si l’accès au marché du travail s’est amélioré pour les femmes, une femme sans ascendance migratoire a, toutes choses égales par ailleurs, trois fois moins de chances d’accéder à un emploi bien rémunéré qu’un homme contre quatre fois moins en début de période.
Fort de ce constat, les approches adoptées par l’équipe de France Stratégie d’un point de vue macroéconomique tendent à prouver que réduire les discriminations conduirait à accroître le PIB de 0,35 % par an durant vingt ans. Sur un horizon temporel de vingt ans, c’est environ 0,4 % de croissance en plus chaque année, soit une résorption de l’écart de production en 2025 environ et donc un retour à une situation d’avant-crise !
Un second rapport daté du 16 novembre 2016, émis par le groupe de dialogue interministériel sur la lutte contre les discriminations en entreprise préconise
une double approche : pédagogique et répressive, au travers de 13 nouvelles propositions pour pérenniser la lutte contre les discriminations en entreprises :
- Organiser une campagne annuelle d’information sur la lutte contre les différentes discriminations en entreprise.
- Demander aux branches et aux entreprises de mettre en place des “auto testing” sur les discriminations.
- Conduire des études pour évaluer le gain, au niveau des entreprises, de la mise en place d’une politique de lutte contre les discriminations.
- Examiner avec les organismes en charge de l’aide à la recherche d’emploi et de l’appui des demandeurs d’emploi les conditions de mise en place d’indicateurs destinés à mesurer l’impact des dispositifs de lutte contre les discriminations.
- Poursuivre, en liaison avec les services des ministères économique et financier, les travaux du groupe de dialogue afin que les mesures réglementaires d’application de l’article 62 du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté permettent la valorisation des politiques d’entreprise de lutte contre les discriminations comme indicateurs de respect des droits de l’Homme.
- Organiser chaque année une manifestation présidée par les ministres en charge du Travail, de l’Économie, des Droits des Femmes et de la Ville pour la remise du Grand prix du label diversité et du label égalité des chances à l’entreprise la plus exemplaire en ce domaine.
- Poursuivre les travaux du groupe de dialogue sur la mise en oeuvre de dispositifs opérationnels permettant d’assurer la traçabilité et la transparence des procédures de recrutement.
- Préparer, à partir des travaux conduits par le groupe de dialogue, les textes nécessaires à la mise en oeuvre, d’une part, de la proposition relative aux indicateurs permettant de suivre l’évolution des carrières et des rémunérations ; d’autre, de la proposition relative à la création d’un « référent égalité des chances » dans les entreprises de plus de 300 salariés.
- Modifier par amendement l’article 61 bis nouveau du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté pour :
- instituer l’obligation de formation à compter du 1er janvier 2018 pour les entreprises de plus de 300 salariés afin de permettre d’ici là la réalisation de programmes de formation et de faire connaître cette obligation nouvelle;
- inciter des entreprises pilotes à engager de tels programmes de formation dès 2017 ;
- évaluer à la fin de l’année 2019 les conditions de mise en oeuvre de cette obligation afin d’examiner les conditions de son extension aux entreprises de plus de 50 salariés.
- Examiner, dans le cadre du bilan de l’accord national interprofessionnel du 12 octobre 2006 relatif à la diversité, les conditions dans lesquelles des actions d’information et de formation sur la lutte contre les discriminations pourraient être conduites pour les responsables des petites entreprises.
- Poursuivre, en liaison avec les services du ministère de la Justice, les travaux du groupe de dialogue sur les conditions de mise en oeuvre de l’action de groupe dans le domaine de la lutte contre les discriminations en entreprise.
- Auditionner les services du ministère de la fonction publique sur les politiques mises en oeuvre pour lutter contre les discriminations dans le secteur public.
- Poursuivre les travaux du groupe de dialogue, en liaison avec les services des ministères économique et financier, sur la prise en compte dans l’accès aux marchés publics, la mise en place d’actions de lutte contre les discriminations dans les entreprises soumissionnaires.
Quelles sont les perceptions de discriminations en entreprises ?
Le 21 mars 2017, le 10ème baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi, issu de l’enquête « accès aux droits » présentés par Le Défenseur des droits et l’Organisation Internationale du travail (OIT) affiche l’objectif est de mettre en lumière les expériences déclarées de discrimination dans l’emploi et d’en étudier l’hétérogénéité des situations de discrimination selon les groupes sociaux. Les résultats démontrent encore, que le monde professionnel apparaît comme un milieu particulièrement discriminant. Une personne sur deux considère que les discriminations sont fréquentes au cours d’une recherche d’emploi et une sur trois dans la carrière.
Si les femmes apparaissent systématiquement plus discriminées que les hommes (avec un taux global de 41 % contre 28 %), cette vue d’ensemble fait également ressortir des variations liées aux caractéristiques personnelles telles que l’âge, l’origine ou le handicap. Les femmes actives de 18 à 44 ans qui ont été enceintes ou mères d’un enfant en bas âge ont été deux fois plus la cible de discriminations que les autres. Ces résultats confirment la persistance d’une sanction sociale à l’encontre des femmes dans le milieu du travail liée à la grossesse et à la maternité, qu’elle soit présumée ou effective.
Dans l’ensemble, les personnes âgées de moins de 35 ans apparaissent plus exposées aux discriminations que leurs aînées. De même, des écarts importants sont relevés en fonction de la présence ou non d’enfants, de l’origine perçue ou d’une situation ou non de handicap.
Les femmes en situation de handicap, entendu au sens large, sont plus nombreuses que les hommes. Elles déclarent plus de discriminations dans l’emploi tous critères confondus : 56 % contre 41 % des hommes en situation de handicap.
48 % des hommes dont l’apparence signale une origine extra-européenne déclarent avoir été discriminés contre 24 % de ceux qui sont vus comme blancs.
Parmi les hommes vus comme blancs, ceux qui ont plus de 34 ans constituent la population la moins discriminée dans l’emploi avec un taux global de 22 % d’expériences de discrimination déclarées tandis que 29 % des jeunes vus comme blancs déclarent des discriminations.
L’effet de l’âge est encore plus significatif au sein du groupe des hommes vus comme étant noirs, arabes ou asiatiques. Les 35 ans et plus déclarent des discriminations liées à l’emploi à 43 % contre 59 % entre 18 et 34 ans.
Près d’une personne sur 2, en situation de handicap, déclare avoir été discriminée dans l’emploi (49 %) contre 31 % des personnes non concernées par le handicap.
Comment les entreprises sont-elles surveillées sur les actes de discrimination ?
L’action de campagne de « testing » faite en 2007 par Louis Schweitzer, alors président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), a été réitérée en avril 2016, par l’actuel gouvernement. Baptisée “Nos compétences d’abord”, la campagne fut pratiquée sur un panel d’une quarantaine d’entreprises de plus de 1 000 salariés. L’idée, pour un même profil, deux CV sont envoyés, l’un d’entre eux portant un patronyme d’origine étrangère : 12 entreprises faisaient apparaître un “risque élevé de discrimination dans le traitement des candidatures” avec un taux de réponses
positives pour le patronyme d’origine étrangère de 9%, contre 20% pour les candidatures “hexagonales”.
Par la suite, des audits et des campagnes de communication ont été réalisés durant l’été auprès de chacune des entreprises testées, les invitant à produire des plans de prévention de la lutte contre les discriminations lors du recrutement. Deux d’entre elles n’ont pas répondu et se sont vu nommées et coiffées d’un bonnet d’âne par la Ministre du travail.
Quelle utilité du « name and shame » (“Nommer et couvrir de honte”)
Le « name and shame » autrement dit – montrer du doigt, consisterait à “faire savoir ce qu’une personne, un groupe ou une entreprise a fait de mal, participant ainsi à décourager des actes antisociaux ou criminels en publiant le nom des coupables”.
Si à l’étranger ces pratiques sont courantes et plébiscitées, nous voyons qu’en France sur un autre registre, malgré les dernières affaires politiques française divulguées dans la presse, la honte n’étouffe personne et encore moins ceux par qui le scandale arrive !
Pour autant, les grandes entreprises du secteur privé, estiment que leur réputation est un élément essentiel. Elles ne souhaitent pas être au centre des attentions ou avoir un risque de poursuites judiciaires pour une affaire de discrimination, qui pourrait mettre à mal leur bonne réputation pour attirer de nouveaux candidats.
Ce qui est beaucoup moins vrai dans le secteur public ou sur de petites structures.
Alors que faire pour que les mentalités évoluent ?
Organiser un vrai débat sur la probité de nos entreprises, mais par qui ? Nos politiques… encore faudrait-il qu’à titre d’exemplarité, ils se saisissent d’une certaine droiture d’exercice ! (Vs /Sexisme, harcèlement…)
Revoir la normalisation typiquement française des CV, trop souvent riches de renseignements, comme l’âge, l’adresse, la situation familiale etc… inutiles pour estimer les compétences d’une personne à un poste.
Alourdir les sanctions discriminatoires déjà existantes ?
- Selon l’article L. 122-45 alinéa 5 du Code du travail, tout acte contraire à l’interdiction des discriminations à l’égard d’un salarié est nul de plein droit.
- Les juges peuvent ordonner à l’employeur le remboursement de tout ou partie des allocations chômage versées au salarié licencié pour motif discriminant.
- Le versement de dommages et intérêts par l’auteur de la discrimination.
- Selon l’article 225-2 du Code pénal, le fait de refuser d’embaucher en raison de l’activité syndicale ou de subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition d’exercice ou non d’une activité syndicale, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende
- Selon l’article 225-4 du Code pénal, les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables. Elles encourent une amende, une interdiction d’exercer directement ou indirectement l’activité dans l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, le placement sous surveillance judiciaire (…). • L’article 62 permet d’intenter des actions de groupe, afin d’établir l’existence d’une discrimination collective, « Lorsque plusieurs personnes placées dans une situation similaire subissent un dommage causé par une même personne, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles, une action de groupe peut être exercée en justice au vu des cas individuels présentés par le demandeur. Cette action peut être exercée en vue soit de la cessation du manquement mentionné au premier alinéa, soit de l’engagement de la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d’obtenir la réparation des préjudices subis, soit de ces deux fins. »
Ce qui est rassurant, c’est que l’Etat et les entreprises se mobilisent pour rendre pérenne cette lutte contre la discrimination qui, au vu des différents rapports, est une catastrophe tant pour la société et notre démocratie que pour notre économie.
Article rédigé par
Anne RICHARD
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