Attention à bien respecter l’obligation de discrétion et de secret

obligation de discrétion et de secret

Attention à bien respecter l’obligation de discrétion et de secret

D’après le code du travail, les membres du comité social et économique sont tenus au secret professionnel et à une obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par l’employeur. Reste à savoir ce qui peut être estampillé « Confidentiel » par l’employeur.

Tous les membres du CSE sont tenus à une obligation de discrétion et à une obligation de secret professionnel


Afin de protéger l’entreprise contre toute fuite d’informations stratégiques, le code du travail prévoit que tous les membres du CSE sont soumis à une obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par l’employeur. Ils sont également tenus au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication (C. trav., art. L. 2315-3).

Cette obligation de discrétion est une véritable contrainte pour les membres du CSE car elle les
empêche de jouer leur rôle de représentants du personnel. Toujours est-il qu’il faut aussi savoir l’invoquer et essayer d’en tirer profit lorsque l’employeur refuse de leur fournir des informations ou de répondre à certaines de leurs questions en invoquant, par exemple, un risque pour l’entreprise ou un risque d’atteinte à la vie privée des salariés. C’est justement pour éviter que ces risques ne se réalisent que l’obligation de discrétion existe

Sont également concernés par ces obligations :
les différents experts auxquels le CSE peut recourir : expert-comptable, expert technique, expert libre et expert santé/sécurité (C. trav., art. L. 2315-84) ;
les experts et les techniciens que l’employeur peut adjoindre aux différentes commissions du comité social et économique (C. trav., art. L. 2315-45) ;
les collaborateurs chargés d’assister l’employeur dans le cadre des réunions de la commission santé, sécurité et conditions de travail (C. trav., art. L. 2315-39) ;
les membres du comité social et économique central, du comité de groupe, du comité d’entreprise européen et du comité de la société européenne ;
les représentants du comité social et économique au conseil d’administration ou de surveillance de la société (C. com., art. L. 225-37 et L. 225-92).

Les représentants du CSE au conseil d’administration ou de surveillance ont-ils le droit de révéler aux membres du comité les informations qui ont été données comme confidentielles au cours de la réunion du conseil d’administration ou de surveillance ? A priori, oui. Il vaut mieux le faire en réunion de CSE en demandant à l’employeur de rappeler que ces informations sont confidentielles.

L’obligation de discrétion ne peut jouer que si l’information présente un caractère confidentiel et est donnée comme telle par l’employeur


Pour qu’on puisse interdire au CSE de diffuser une information, celle-ci doit présenter un caractère objectivement confidentiel. C’est le cas lorsqu’elle n’est pas déjà connue du public ou du personnel ou que sa divulgation pourrait nuire aux intérêts de l’entreprise.

Il peut s’agir des orientations stratégiques, d’études de marché, de projets de nouveaux produits, d’une réponse à un appel d’offres, etc. En revanche, un projet de licenciement économique, de réorganisation ou d’externalisation pourrait difficilement être considéré comme confidentiel. Un risque de mauvaise ambiance ou d’inquiétude, ce n’est pas suffisant pour justifier la confidentialité. Pourtant, parfois, il est demandé aux élus de se taire tant que les managers n’auront pas informé les salariés.

En ce qui concerne l’obligation de discrétion à l’égard des informations de la BDESE, l’employeur doit indiquer de quelles informations il s’agit ainsi que la durée du caractère confidentiel. Il faudra veiller à ce que la direction ne cherche pas à tout rendre confidentiel, empêchant ainsi les élus d’informer les salariés. Plan de développement des compétences, bilan social, comptes de l’entreprise… peuvent difficile

C’est à l’employeur de dire expressément aux membres du comité social et économique que l’information est confidentielle


L’obligation de discrétion n’a rien d’automatique. Il faut une déclaration expresse de la part de l’employeur au moment de la remise des documents ou de la présentation du projet. Cette déclaration doit être actée au PV de réunion (CA Versailles, 31 mars 2010, no 09/09954).

Si rien dans le PV n’indique que telle ou telle information avait un caractère confidentiel, l’employeur ne pourra pas reprocher à un élu du CSE de l’avoir divulguée (Cass. soc., 12 juill. 2006, no 04-47.558).

L’employeur ne peut pas interdire aux membres du CSE de prendre des notes sous prétexte que les informations délivrées sont confidentielles. A ce titre, il est important d’avoir une trace écrite de tout ce qui s’est dit en réunion. D’où l’idée, quand le secrétaire estime que cela en vaut la peine, de faire 2 PV. Un « PV light », sans les informations confidentielles, qui sera diffusé, et un PV complet qui sera conservé dans les archives du CSE.

Pourrait-on interdire aux élus de quitter la salle de réunion avec les documents estampillés
« Confidentiel » ? Non, car ils sont tenus par une obligation de discrétion ! Et les empêcher d’emporter les documents pour les étudier reviendrait à les empêcher d’exercer leur mandat.

Attention toutefois, certaines informations sont automatiquement considérées
confidentielles par effet de la loi

Certaines informations sont d’emblée considérées comme confidentielles. A priori, l’employeur n’est donc pas obligé de le rappeler au comité et, surtout, de justifier sa position. C’est le cas pour :
les documents de gestion prévisionnelle que certaines sociétés sont tenues d’établir et de mettre à la disposition du CSE dans la base de données économiques, sociales et environnementales (C. trav., art. L. 2312-25) ;
les informations communiquées au CSE ou à la commission économique dans le cadre d’un droit d’alerte économique (C. trav., art. L. 2312-67) ;
les informations communiquées au comité social et économique dans le cadre de la recherche d’un repreneur en cas de fermeture d’un établissement (C. trav., art. L. 1233-57-15).

En pratique, les membres du CSE ne doivent pas se laisser abuser lorsque le président
leur dit que tel document ou tel projet est strictement confidentiel

L’employeur ne peut pas empêcher les membres du CSE d’exercer leur mandat en leur disant trop souvent « Je vous en parle, mais c’est strictement confidentiel » ou en classant comme confidentiel tous les documents remis au comité dans le cadre d’une consultation sur un projet de réorganisation. Il doit se justifier, et pas de n’importe quelle manière. En effet, d’après la jurisprudence, c’est à l’employeur qu’il revient d’établir que la confidentialité est nécessaire au regard des intérêts légitimes de l’entreprise (Cass. soc., 5 nov. 2014, n° 13- 17.270). Intérêts économiques, intérêts financiers, intérêts commerciaux, intérêts stratégiques… voilà le genre de justification que l’employeur va devoir donner. Un risque de mauvaise ambiance dans l’entreprise, ce n’est pas suffisant pour justifier la confidentialité.

A titre d’exemple, ont été jugés comme confidentiels les chiffres des ventes envisagées pour les 3 années à venir en France et sur les différents marchés étrangers (TGI Lyon, 11 déc. 1984, n° 84- 1112).

Lorsqu’elle est invoquée, la confidentialité empêche les élus d’informer les salariés. Ce genre de situation doit donc rester exceptionnel. Qu’est-ce qui est précisément confidentiel dans le document ou le projet ? Pendant combien de temps ? Quel est le risque pour l’entreprise si les salariés en sont informés ? Il faut montrer qu’on veut bien respecter la règle du jeu, mais en comprenant les tenants et les aboutissants. Et, si le CSE estime que la direction abuse, il faut savoir se montrer ferme en menaçant par exemple de ne pas émettre d’avis sur le projet présenté. Ou alors, lui rappeler, à l’employeur, qu’il pourrait être condamné en justice à recommencer sa consultation à 0, on l’a déjà vu (Cass. soc., 5 nov. 2014, n° 13-17.270).

L’obligation de secret est automatique mais ne joue que pour les procédés de fabrication


L’obligation de secret professionnel est limitée aux questions relatives aux procédés de fabrication. Cette obligation joue automatiquement sans que l’employeur ait à la signaler aux élus. Il faut être prudent car sa violation peut faire l’objet de poursuites pénales pour délit de révélation d’une information à caractère secret (C. pén., art. 226-13). Sans oublier le probable licenciement pour faute grave, voire faute lourde s’il y a eu intention de nuire à l’entreprise.

OBSERVATIONS

En cas de violation de l’obligation de discrétion…

Cela pourra justifier une sanction disciplinaire contre le représentant du personnel et des poursuites en justice permettant à l’entreprise de demander des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi. Par exemple, il a été jugé que la méconnaissance des règles de sécurité informatique et de confidentialité des informations caractérise un manquement à l’obligation de discrétion et justifie l’avertissement infligé au représentant du personnel (Cass. soc., 15 juin 2022, n° 21- 10.366). Il faut donc faire preuve de prudence. Si les informations ont été divulguées, l’élu du CSE ne pourra pas faire valoir que c’est en sa qualité de délégué syndical qu’il a diffusé les informations (Cass. soc., 6 mars 2012, no 10-24.367).
En cas de révélation des informations sur Internet, l’employeur pourra envisager une action contre l’éditeur de presse pour le contraindre à retirer les informations de son site (Cass. 1re civ., 11 mars 2014, n° 13-14.349).

En partenariat avec Lefebvre Dalloz :

Découvrez gratuitement le Guide CSE dans Solutions CSE sur editions-legislatives.fr