l’opportunité d’affirmer sa plus-value dans l’intérêt commun de l’entreprise et des salariés
La qualité de vie au travail (QVT) pourrait être un formidable outil d’amélioration de l’efficience organisationnelle dans l’intérêt commun de l’entreprise et des salariés. Il importe de se préserver de toute généralisation mais, dans les faits, force est de constater qu’elle peut tendre à n’être qu’un artifice au service de la communication d’entreprise.
Dans ce contexte, et en s’emparant pleinement du sujet, les CHSCT ont l’opportunité véritable de faire valoir une plus-value singulière et nouvelle les rendant incontournables, tant aux yeux des salariés qu’à ceux des directions, plutôt que contestés voire méconnus comme tel est trop souvent le cas aujourd’hui. Ils ont un rôle majeur à jouer pour concrètement ancrer le sujet dans le quotidien de travail des salariés. Encore faut-il, certes, une disposition de la direction. Mais, au fond, nul besoin de celle-ci pour prendre la mesure de ce rôle qui invite à une évolution de posture.
Le CHSCT dans un cadre institutionnel propice à son inaction sur le sujet ?
Par nature, la QVT est circonstanciée, propre à un lieu, un univers professionnel, un métier et une entreprise. Elle est aussi contingente, ne serait-ce parce que les tech-nologies, sociologies et attentes des salariés évoluent. En conséquence, le premier enjeu est de permettre aux acteurs liés par des unités de lieu, de temps et d’action d’en saisir et définir eux-mêmes et directement les contours.
Or, la qualité, fût-elle de la vie au travail, est par nature multi-critères. Elle a donc pour vocation de faire l’objet d’appréciations divergentes entre des acteurs que le travail impose de s’unir. La QVT implique donc la possibilité de dessiner un cadre collectif et organisationnel qui permet de tisser un compromis sur le sujet. En clair, une démarche de QVT commence par la possibilité, au quotidien, de nourrir un dialogue sur le travail, tel qu’il se fait réellement, mais aussi sur les critères de la qualité de vie au travail.
Or, la QVT s’inscrit-elle dans un cadre institutionnel qui y contribue vraiment et qui fait du CHSCT l’un de ses promoteurs véritables ? Trois réalités, entre autres, autori-sent cette question. En premier lieu, les « experts » (de la qualité de vie au travail, CHSCT…) sont fortement sollicités dans les entreprises : il peut exister un risque que leur parole se substitue au besoin d’expression directe entre une direction et des salariés ; entre des membres élus du CHSCT et le président de l’instance. En deuxième lieu, la reconnaissance, au niveau du comité d’entreprise et selon une périodicité annuelle du thème de la QVT dans les négociations obligatoires est peut-être louable. Mais, cela ne doit pas faire perdre de vue qu’il s’agit d’un sujet qui doit se traiter au quotidien et à un niveau opérationnel. En troisième lieu, le CHSCT, alors qu’il se saisit de problématiques opérationnelles, n’a de compétences en matière de QVT que de manière implicite et ses attributions (droit d’enquête, d’alerte…) reflètent un état du dialogue social assez souvent contestataire et conflictuel, peu propice au dialogue réel.
Passer de l’artifice (jamais présenté comme tel, naturellement) de la QVT au concret, inscrit dans le quotidien du travail des salariés, dans l’intérêt concomitant de l’entreprise impliquerait, bien sûr, une inflexion des trois logiques qui ont été men-tionnées ici. Plutôt que de recourir à un « expert », il importerait de faire appel à un médiateur, qui laisse les salariés définir eux-mêmes les contours de la QVT dans leur dialogue managérial, entre pairs et inter-métiers. Ensuite, cela supposerait de penser la QVT en dehors et au-delà du carcan de la négociation annuelle obligatoire par le comité d’entreprise : la qualité de vie ne se fige pas dans la lettre d’un accord. Elle est d’abord un combat de tous les jours, la résultante d’accommodements et compromis quotidiens. Preuve en est la portée des accords signés : structurent-ils réellement la qualité de vie au travail des salariés ? Enfin, il importerait d’affirmer explicitement une compétence du CHSCT en la matière : en étant le lieu du dialogue social institutionnel sur les conditions de travail, il est aussi, de fait, celui des conditions de la vie au travail et de la qualité de celles-ci. Pourquoi ne pas le reconnaître ?
Pour une évolution de posture porteuse d’une plus-value nouvelle
Nul besoin d’attendre de telles évolutions : les membres du CHSCT ont déjà toutes les marges pour porter la qualité de vie au travail au rang de critère de pilotage des entreprises, dans l’intérêt commun de celles-ci et de leurs salariés. Ce n’est qu’en investissant ces marges que le CHSCT renforcera sa plus-value propre vis-à-vis de la direction, des salariés et du comité d’entreprise.
Aussi, agir sur la QVT, pour un membre de CHSCT, par quoi cela pourrait-il se traduire ?
C’est commencer par être soi-même, membre de CHSCT, un facteur de qualité de vie au travail, ce qui implique d’offrir aux salariés et à la direction une représentation efficace. Notamment, les conditions de travail se saisissent et s’énoncent d’une ma-nière factuelle, tangible, structurée.
Les membres du CHSCT devraient tous investir ce mandat avec une maîtrise théo-rique et pratique de l’analyse du travail. Par exemple, 100 % des élus ont-ils suivi une formation sur les risques psychosociaux (2 jours au moins) ?
- C’est clarifier sa propre vision de la QVT au sein de l’instance : ce qui implique une capacité interne à dialoguer en dépit des divergences qui traversent souvent les instances. Être membre de CHSCT, c’est réussir à nourrir et soutenir un dialogue parfois empli de désaccords avec ses pairs, pas seulement avec la direction. On ne comprendrait pas que le CHSCT n’ait pas de vision propre, claire mais évolutive, sur le sujet. Puisque la QVT s’élabore par le compromis et le partage de vues divergentes, on ne comprendrait pas que les élus soient, eux-mêmes, dans l’incapacité de dépasser cette divergence.
- C’est élargir son prisme d’analyse et considérer des ressources à la périphérie du travail, pour répondre aux besoins des salariés mais aussi pour mieux parler à l’employeur : assistance psychologique, médiation, services de massage ou baby-foot dans la salle de détente paraissent souvent bien superficiels en comparaison d’un manque de soutien hiérarchique ou des collègues, ou de marges de manœuvre trop faibles. Pour autant, ils contribuent aussi, à leur mesure, au fait de se sentir bien dans son entreprise.
- C’est composer avec son impossibilité de décider mais assumer pleinement son devoir d’informer et de proposer. Le pouvoir d’organisation n’est pas partagé et n’appartient qu’à l’employeur, certes ; alors, aux élus de savoir l’éclairer, de savoir l’informer et surtout de pouvoir proposer. La QVT est d’abord un remarquable levier d’innovation sociale. Elle invite les élus du CHSCT à se comporter en partie prenante de cette innovation et en force de proposition constructive et réaliste.
L’action sur la QVT des élus du CHSCT ne dépend guère du cadre institutionnel, dont la critique est, au fond, secondaire même si elle est fondée. Les idées développées ici n’appellent pas la reconnaissance d’attributions nouvelles ; elles ne coûtent pas un euro de plus (hormis en formation). Elles ne dépendent pas davantage de la posture de la direction, même si celle-ci influe sur la complexité de l’exercice du mandat d’élu du CHSCT. En revanche, la QVT est exigeante vis-à-vis des élus et implique leur professionnalisation plus poussée. Mais c’est là la condition sine qua non d’une plus-value perçue comme telle par les salariés, l’employeur et le comité d’entreprise.
Et si la QVT était un au fond révélateur de la nécessaire pérennité de l’instance dans l’entreprise ?
Article rédigé par
Bertrand ARNOULD
Cabinet ARETE
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