Pour pouvoir exercer son mandat, il faut pouvoir circuler dans l’entreprise et se déplacer à l’extérieur
Pour l’exercice de leurs missions, les membres du CSE bénéficient d’une liberté de circulation dans l’entreprise et de déplacement à l’extérieur
Le code du travail pose les règles suivantes (C. trav., art. L. 2315-14) :
• pour l’exercice de leurs fonctions, les membres élus de la délégation du personnel du comité social et économique et les représentants syndicaux au comité peuvent, durant les heures de délégation, se déplacer hors de l’entreprise ;
• ils peuvent circuler librement dans l’entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission, notamment auprès d’un salarié à son poste de travail, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l’accomplissement du travail des salariés.
De fait, seuls les élus ayant des heures de délégation seront en mesure de circuler dans l’entreprise pendant leur temps de travail. Un suppléant qui s’absente de son poste de travail pour prendre des contacts avec les salariés ou pour exercer son mandat à l’extérieur sans y avoir été autorisé par l’employeur pourrait faire l’objet d’une sanction disciplinaire (Cass. crim., 8 oct. 1991, no 90-86.628).
La liberté de circulation doit pouvoir s’exercer dans l’ensemble des locaux de l’entreprise
Cette liberté de circulation au sein de l’entreprise est un principe d’ordre public, qui ne peut donner lieu à restrictions de la part de l’employeur qu’au regard d’impératifs de santé, d’hygiène ou de sécurité ou en cas d’abus (Cass. soc., 10 févr. 2021, n° 19-14.021). Elle s’étend à tous les lieux de travail sur lesquels sont occupés les salariés, y compris s’il s’agit d’unités de travail décentralisées (Cass. crim., 17 nov. 1982, no 81- 92.094). Tant que l’entreprise est ouverte, on peut s’y déplacer. Les élus peuvent donc librement y circuler durant la totalité des heures ouvrables en dehors de leurs horaires de travail, cela leur permettra notamment d’avoir des contacts avec les autres salariés ayant des horaires de travail différents. Il a été jugé qu’un représentant du personnel d’une entreprise ouverte 24 heures/24 devait pouvoir accéder aux locaux la nuit (Cass. crim., 12 avr. 2016, n° 15-80.772).
Sous peine d’entrave, l’employeur ne peut la restreindre qu’en raison d’impératifs de sécurité ou de la gêne importante à l’accomplissement du travail des salariés (Cass. crim., 12 avr. 2016, n° 15-80.772). Il n’est pas en droit d’exercer un contrôle sur les modalités du déplacement, ni d’interdire l’accès à certains locaux. Si le port d’équipements de protection individuelle est nécessaire dans certaines zones ou certains chantiers, c’est à lui de les fournir.
Mais attention, liberté de circulation ne signifie pas forcément circulation en toute liberté. L’employeur peut, pour des raisons de sécurité dans l’entreprise ou de confidentialité de certaines zones, réglementer certains accès. Si c’est fait sans discrimination à l’égard des représentants du personnel, si les conditions d’accès prévues se limitent au strict nécessaire, alors, il ne sera pas possible de faire valoir une atteinte à la liberté de circulation. A titre d’exemple, il a déjà été jugé que le contrôle prévu par un accord d’entreprise pour permettre l’accès aux zones confidentielles de l’entreprise était valable et ne portait pas atteinte à la liberté de circulation, dès lors qu’il avait pour seul objet de s’assurer de l’appartenance du salarié à l’établissement et de son statut de représentant du personnel (Cass. soc., 9 juill. 2014, n° 13-16.151).
Pour pouvoir accéder à la zone confidentielle, les élus devaient utiliser le téléphone se trouvant à l’entrée, décliner leur identité et leur qualité de représentant du personnel. Après vérification, ils pouvaient pénétrer dans la zone en question et se déplacer seuls ou accompagnés selon leur demande
Dans une autre affaire, il a été admis que le refus de la direction d’une société de restauration aérienne de fournir à un membre du comité central les badges lui permettant d’accéder à toutes les zones de l’entreprise était justifié au regard des impératifs de sécurité. Le représentant du personnel pouvait effectivement accéder aux différentes zones et y circuler, mais en se soumettant aux procédures de sécurité mises en place par l’employeur (Cass. soc., 9 oct. 2019, n° 18-13.914). Il peut aussi être prévu que les élus devront conserver leurs bons de délégation pendant leurs déplacements, pour être utilisés comme titres de circulation et présentés éventuellement au service de surveillance (Cass. crim., 10 janv. 1989, n° 87-80.048).
L’employeur ne peut en revanche mettre en place un système d’autorisation tellement complexe qu’il neutralise totalement la libre circulation. Dans cette affaire, l’accès à certains locaux d’une banque n’était possible que sur autorisation de quelques responsables d’un très haut niveau, ce qui ne permettait pas un accès immédiat (Cass. crim., 15 nov. 1994, no 93-85.070). Il a également été jugé que l’employeur qui impose des règles d’accès et de circulation dans les locaux qui ne sont pas justifiées par la protection des intérêts commerciaux de l’entreprise et qui sont disproportionnées par rapport au but recherché porte atteinte à la libre circulation des élus (Cass. soc., 26 févr. 2020, n° 18-24.758).
Attention, en cas d’usage abusif de la liberté de circulation, l’employeur peut apporter des restrictions aux déplacements des représentants du personnel. L’abus a par exemple été admis à l’encontre d’élus du personnel et de délégués syndicaux participant à un mouvement de grève (Cass. soc., 10 févr. 2021, n° 19-14.021).
A l’occasion de leurs déplacements dans l’entreprise, les membres du CSE peuvent rencontrer les salariés à leur poste de travail
Les élus peuvent prendre tous les contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission auprès d’un salarié à son poste de travail, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l’accomplissement du travail. La nature de l’activité du salarié ne peut pas être invoquée pour interdire tout entretien, si bref soit-il.
Il est souhaitable que les modalités pratiques des contacts avec les salariés fassent l’objet d’un accord entre l’employeur et le CSE, en fonction de la nature de l’activité de l’entreprise et des particularités de certains postes de travail (travaux dangereux, contact avec la clientèle, etc.).
Il a par exemple été jugé que des représentants du personnel pouvaient remettre aux salariés, pendant le temps de travail, des comptes rendus des réunions mensuelles (Cass. soc., 2 févr. 1972, no 71-40.102) ou des documents destinés à recueillir leurs avis et suggestions (Cass. crim., 27 sept. 1988, no 87-81.800), dès lors qu’ils n’occasionnent pas de trouble ou de perturbation dans le travail.
L’employeur ne peut pas s’opposer à la distribution de documents en faisant valoir que le CSE a à sa disposition des panneaux d’affichage pour informer les salariés. Il peut encore moins invoquer l’article L. 2142-4 du code du travail qui définit les modalités de distribution de tracts syndicaux.
Les membres du CSE peuvent aussi se déplacer à l’extérieur de l’entreprise pour les besoins du mandat
Les élus sont libres de se déplacer à l’extérieur de l’entreprise. Pas question pour l’employeur de les obliger à remplir un ordre de mission portant la mention « accordé » ou « refusé » (Cass. crim., 5 mars 2013, no 11- 83.984).Les déplacements à l’extérieur de l’entreprise doivent bien évidemment être motivés par une activité entrant dans le cadre de la mission du représentant du personnel (Cass. soc., 13 déc. 1988, n° 86-40.765).
Juridiquement, l’employeur n’a pas l’obligation de laisser les élus utiliser les véhicules de service dans le cadre de leurs déplacements à l’extérieur de l’entreprise. Toujours est-il que s’il l’accepte, cela a valeur d’usage. Dans ce cas, l’utilisation d’un véhicule de service pour l’exercice du mandat ne pourra pas être sanctionnée (Cass. soc., 14 sept. 2016, n° 15-13.740). Si le véhicule est équipé d’un dispositif de géolocalisation, celui-ci doit pouvoir être désactivé pendant l’exercice du mandat.
La prise de contact avec des salariés travaillant hors de l’entreprise peut être problématique lorsque ces salariés sont détachés auprès d’une entreprise extérieure. Sur le plan juridique, rien n’oblige cette entreprise tierce à accepter que des représentants du personnel d’une autre société pénètrent dans ses locaux pour rencontrer les travailleurs mis à sa disposition (CA Versailles, 14 déc. 2006, no 05/05775). Ainsi, des représentants du personnel d’une société ne peuvent reprocher à leur employeur de n’avoir pu se rendre dans les locaux d’une autre société où sont employés des salariés détachés de la première société, dès lors que le refus émane de l’entreprise tierce (Cass. soc., 30 janv. 1991, n° 89-17.333). La solution consisterait à permettre aux salariés détachés de revenir temporairement dans leur entreprise pour pouvoir rencontrer les représentants du personnel
A noter enfin que le temps de trajet, pris pendant l’horaire normal de travail en exécution des fonctions représentatives, s’impute sur les heures de délégation (Cass. soc., 9 déc. 2014, n° 13-22.212).
OBSERVATIONS
Déplacement entre 2 lieux de travail : heures de délégation ou temps de travail ?
Le temps qu’un élu met pour se rendre d’un point A à un point B de l’entreprise s’impute sur ses heures de délégation. Cependant, si ce temps peut être analysé comme un temps de déplacement entre deux lieux de travail pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles, on devra considérer qu’il s’agit d’un temps de travail effectif que l’employeur ne pourra pas imputer sur les heures de délégation (Cass. soc., 15 mai 2019, n° 17- 31.247). C’est ce qui a été jugé à propos du temps que mettait un conducteur-receveur d’une société de transport public pour se rendre du point de relève au dépôt.
En partenariat avec Lefebvre Dalloz :
Découvrez gratuitement le Guide CSE dans Solutions CSE sur editions-legislatives.fr