RPS et TMS, même combat !

RPS et TMS

RPS et TMS, même combat !

Les risques psychosociaux (RPS) et troubles musculosquelettiques (TMS) sont les deux principaux problèmes de santé au travail. Ils ont la particularité d’être multifactoriels. Cela signifie que leur survenue dépend de la combinaison de nombreux facteurs, ce qui les rend difficiles à évaluer et à prévenir. Ils sont souvent traités séparément, chaque trouble faisant l’objet d’une démarche de prévention spécifique. Pourtant, de plus en plus de recherches montrent que ces troubles peuvent être liés et que leur prévention gagnerait à être pensée en commun.

Les RPS


Les RPS sont désormais bien connus : stress, violences au travail, dont harcèlements et agissements sexistes, épuisement professionnel, etc. Si ces troubles sont moins visibles que les TMS (ceux-ci impliquent des altérations physiques visibles par examen médical), et s’ils ne sont pas reconnus dans un tableau de maladie professionnelle, leur importance et leurs conséquences négatives, humaines et économiques ne sont plus à prouver.
Toute la difficulté repose dans l’identification des multiples facteurs de risques sur lesquels agir pour éviter la souffrance au travail. Ces facteurs sont assez nombreux, certains sont considérés comme des contraintes s’ils sont absents mais comme des ressources permettant de tenir s’ils sont présents, ce qui rend leur évaluation complexe. De plus, ils agissent rarement seuls mais en combinaison et leurs effets varient selon leur intensité, durée et selon les personnes :

• l’occupation d’un emploi précaire ;

• une surcharge de travail (ou à l’inverse, une sous-charge de travail) :

• un manque d’autonomie et de contrôle sur la manière dont le travail est effectué ;

• un manque de soutien des collègues et de la hiérarchie ;

• une absence de reconnaissances (par exemple, pas d’implication dans les décisions concernant directement les employés) ;

• un manque de clarté dans la définition des rôles, des objectifs ;

• une absence de communication sur les changements à venir (ou des signaux négatifs pour
l’avenir) ;

• un déséquilibre entre la vie professionnelle et la vie privée ;• des relations dégradées (en interne ou en externe, avec les clients par exemple) ;

• de fortes exigences émotionnelles ;

• une perte de sens, etc.

S’il est reconnu que la santé mentale a des effets sur la santé physique (maux de dos, troubles digestifs, etc.), il n’est pas fait mention des TMS dans cette liste de facteurs de RPS. Et pourtant, ces facteurs psychosociaux sont une des causes des TMS.

Les TMS


Les TMS sont l’autre enjeu majeur de santé au travail en France. C’est notamment la première cause de maladie professionnelle. Les douleurs et lésions provoquées, qui touchent tous les secteurs, entraînent inaptitudes, longs arrêts maladie voire la perte d’emploi pour les 5 à 10 % des cas les plus critiques. Ces troubles surviennent du fait d’une combinaison de facteurs désormais bien connus.
La première catégorie de facteurs, qui constitue l’angle d’attaque historique de la prévention des TMS, est les sollicitations biomécaniques : charge de travail physique, répétition des mouvements, mouvements demandant de la force, postures inconfortables, exposition à des vibrations ou encore pressions exercées localement (ex. devoir tenir fortement un outil).
Deux profils de travaux émergent de la combinaison de ces sollicitations biomécaniques : les emplois nécessitant des tâches motrices intensives et dynamiques (avec des mouvements forcés et répétés) et les travaux exposant à des postures statiques prolongées (par exemple, le travail prolongé sur écran).
La deuxième catégorie de facteurs est… les RPS ! Le fait d’être stressé de façon intense et persistante peut faciliter l’apparition d’inflammations. De plus, le stress serait également un facteur de crispation qui peut amplifier certains facteurs biomécaniques. Être stressé conduirait également à limiter la prise de pauses et les temps de récupération.
La troisième catégorie de facteurs est liée à l’organisation du travail (horaires de travail, organisation des tâches, système de pause, cadences, etc.) qui détermine en partie l’exposition aux facteurs biomécaniques et psychosociaux.
La quatrième catégorie de facteurs est les caractéristiques personnelles et médicales des employés, comme l’âge ou le genre, les facteurs génétiques, l’obésité ou le diabète qui peuvent rendre plus ou moins sensibles aux effets des facteurs précédents.

RPS et TMS : le couple infernal


De plus en plus de travaux montrent que les RPS et les TSM sont liés. Ces deux troubles ne surviennent pas de façon isolée mais se combinent et souvent s’aggravent mutuellement.
D’une part, les RPS sont un des facteurs en cause dans la survenue de TMS (voir ci-dessus). Les recherches montrent ainsi que des employés placés dans des situations de fortes demandes professionnelles (charge de travail, urgence, etc.) et dans le même temps ayant peu d’autonomie et de contrôle sur l’organisation de leur travail sont plus à risque de développer des RPS et des TMS. Ce phénomène s’aggrave encore s’ils disposent de peu de soutien de leurs collègues et de leur hiérarchie.
D’autre part, souffrir de TMS peut contribuer à accroître les RPS. Être en souffrance physique, le fait de ressentir de la douleur en permanence du fait d’un TMS, mine le moral, réduit la capacité à résister à des irritantes psychosociaux et peut être déprimant sur le long terme.
De plus, les conséquences de cette douleur, en termes d’incapacité de travail et d’isolement, contribuent à dégrader la santé mentale.
Enfin, être affecté d’une dépression peut empêcher, retarder ou compromettre la guérison et la reprise du travail chez celles et ceux qui sont en arrêt pour cause de TMS.
Dans les procédures de prise en charge des salariés victimes de TMS, il serait intéressant d’intégrer un suivi de leur santé mentale (autant que physique) pour s’assurer que leur processus de guérison et de retour au travail se déroule dans les meilleures conditions possibles.
Compte tenu de leurs interactions et de leurs liens, il semble utile de les combattre ensemble, d’autant que l’action sur des facteurs organisationnels, comme le fait de redonner aux travailleurs davantage de contrôle sur leur travail, a prouvé leur efficacité sur la réduction des RPS et des TMS.

La prévention commune des RPS et TMS


Afin de prévenir ensemble les RPS et les TMS, il convient d’adopter une approche holistique, une démarche comprenant à la fois la prévention des risques psychosociaux et physiques.
Les recommandations classiques s’appliquent ici : obtenir l’adhésion et l’engagement de la direction, faciliter une approche participative, inclusive de nombreux professionnels de l’entreprise (y compris les employés concernés) et externes à l’entreprise, notamment ergonomes, psychologues et médecins.
Le cœur de la démarche consiste à évaluer les risques de TMS et de RPS de façon globale. Il s’agit donc d’étudier les activités les plus à risque en prenant en compte l’ensemble des facteurs connus susceptibles de générer des RPS et des TMS – certains de ces facteurs étant d’ailleurs communs, comme la forte charge de travail, le manque de contrôle ou d’autonomie ou encore le faible soutien des collègues et de l’encadrement.
En cas de changement organisationnel, il serait également intéressant de réaliser cette évaluation holistique des risques plutôt que de raisonner en silos comme cela se pratique encore trop souvent.
De la même façon, les actions à mettre en œuvre devraient être ouvertes à la réduction des risques pour la santé physique et mentale.
Si certaines actions peuvent cibler un aspect plutôt que l’autre, tout ce qui favorise l’autonomie des employés dans l’organisation de leur travail, le choix du temps de pause, des méthodes de travail, du rythme du travail ou de l’alternance des tâches peut favoriser la réduction des risques de survenue des deux types de troubles.
Certaines actions semblent gagnantes sur les deux tableaux. Ainsi, donner aux employés plus de contrôle sur leur travail peut prévenir ou réduire le stress et les aider à adopter de meilleures postures de travail. Prendre ses pauses en fonction de ses besoins, changer plus fréquemment ou facilement de tâches, modifier son rythme notamment pour récupérer, etc. va à la fois réduire la pression psychosociale et prévenir (ou mieux gérer) les TMS.
Une des difficultés est toutefois qu’il n’existe pas de guide méthodologique permettant d’évaluer ensemble les RPS et les TMS. Pour la contourner, il faut sans doute, dans un premier temps, reprendre et utiliser ensemble les outils séparés existants pour les RPS et les TMS.
C’est dans l’exploitation et la mise en discussion des résultats de l’évaluation des risques grâce à ces outils – en particulier avec les employés concernés – que les liens peuvent se faire plus clairement et que les actions communes peuvent être construites. Un défi de taille pour les élus comme pour les professionnels de la prévention mais qui porte en germe la possibilité de mieux se comprendre et de changer ensemble pour une meilleure qualité de vie au travail.

Une vision globale pour des bénéfices partagés

En France (et en Europe), les RPS et les TMS sont les deux premiers problèmes de santé au travail, générant des absences et arrêts souvent plus longs que d’autres troubles de santé, entraînant souffrance, processus longs de guérison, inaptitudes et pertes d’emplois (sans parler du coût pour les entreprises et la société).
Ces souffrances peuvent être évitées.
Les démarches de prévention des RPS – souvent mise en œuvre avec le soutien de psychologues – et celles des TMS – plutôt pilotées par des ergonomes – existent mais sont souvent mises en œuvre en parallèle les unes des autres.
Pour éviter le gâchis humain, de nombreux travaux de recherche, organisés en France (INRS et ANACT) et en Europe (Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail) dressent le constat qu’il est possible et nécessaire d’agir de concert sur les deux types de troubles, certes différents, mais liés entre eux et se renforçant dans leurs conséquences négatives.
Une démarche globale de prévention aurait en outre pour avantage une économie d’actions et de moyens, une vision plus globale et complexe du travail réel, et donc des bénéfices positifs pour les employés comme pour les organisations. En somme, une vraie démarche d’amélioration du bien-être au travail.

Les RPS, les TMS et les nouvelles formes (digitales) du travail

L’usage croissant des technologies digitales dans le travail, dont les spécialistes prédisent la progression, est en train de modifier en profondeur certains emplois et modes de travail en mêlant intimement facteurs de risque de TMS et de RPS.
D’un côté, l’usage de robots (ou de Co-bots) ou encore d’exosquelettes devrait diminuer les tâches répétitives, intenses et de manutention de charges lourdes, génératrices de TMS. De l’autre côté, les contraintes psychosociales devraient évoluer, avec des pressions temporelles accrues et une surveillance permanente (comme le préfigurent déjà le travail en coulisse des employés des Drive ou des entrepôts de e-commerce) et qui devraient se développer avec l’usage croissant d’algorithmes et de l’intelligence artificielle pour optimiser les flux.
Pour d’autres employés, le recours accru au télétravail ou le développement de postes de surveillance via un écran risquent d’augmenter les positions contraintes, assises et statiques, mais aussi la sédentarité (du fait d’un manque général d’exercice physique) pouvant renforcer certains facteurs personnels comme le surpoids, l’obésité ou le diabète qui entrent en compte dans la survenue des TMS.
Il faudra donc être vigilant pour accompagner les nouvelles formes de travail qui se développent autour des nouvelles technologies et inventer les dispositifs de prévention de protection permettant d’éviter leurs effets délétères pour la santé physique et mentale.

En partenariat avec Lefebvre Dalloz :

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